Il avait redessiné Phnom Penh, offrant à la brouillonne capitale cambodgienne la plupart de ses joyaux architecturaux dans les années 1960. Vann Molyvann, architecte cambodgien devenu un symbole de l’âge d’or du petit royaume asiatique, est mort jeudi 28 septembre à Siem Reap, la ville voisine des temples d’Angkor, à l’âge de 90 ans.
Né le 23 novembre 1926 près de Kampot, il passe son baccalauréat au lycée Sisowath de Phnom Penh avant d’obtenir, en 1946, une bourse lui permettant de poursuivre ses études en France. A Paris, il s’inscrit à l’Ecole des beaux-arts, où il se passionne pour l’œuvre de Le Corbusier. En 1956, lorsque Van Molyvann rentre au Cambodge, le pays est en ébullition, porté par l’enthousiasme de l’indépendance obtenue trois ans plus tôt. Le jeune architecte met ses talents au service du nouveau régime, un autoritarisme aux accents socialistes, centré sur la personnalité fantasque du prince Norodom Sihanouk.
Un style unique
Nommé architecte en chef, chargé de la planification urbaine, Vann Molyvann impose un style unique aux nouveaux bâtiments publics, mariant le modernisme étudié à Paris aux références de la mythologie khmère et à l’esthétique de l’habitat traditionnel. Les constructions, adaptées aux conditions climatiques de l’Asie du Sud-Est, prévoient des systèmes de ventilation naturelle et reposent sur une subtile maîtrise des jeux de lumière.
Une centaine de bâtiments portent la signature de Vann Molyvann : parmi eux, le Théâtre Chaktomuk (1961), le monument de l’Indépendance (1962), devenu le symbole de Phnom Penh, mais aussi le « Building blanc » (1963), vaste complexe de logements sociaux destinés aux artistes, et le Stade olympique (1964), rendu célèbre par le discours qu’y a tenu deux ans plus tard le général de Gaulle. Plus originale, la bibliothèque de l’Institut des langues étrangères, achevée en 1972, évoque par sa forme circulaire les chapeaux de feuilles de palmier portés par les paysans cambodgiens.
En 1970, le général Lon Nol, allié des Etats-Unis, renverse Sihanouk. Deux ans plus tard, Vann Molyvann émigre en Suisse. En 1975, les Khmers rouges prennent le pouvoir, Phnom Penh est vidée de ses habitants et se transforme en ville fantôme. Lors de la chute du régime génocidaire, en 1979, la plupart des constructions de l’époque sont encore debout. Mais le nouveau gouvernement communiste, soutenu par le Vietnam, ne cherche pas à mettre en valeur l’héritage architectural des années Sihanouk. Lorsque Vann Molyvann rentre au Cambodge, en 1993, la plupart de ses œuvres ont perdu de leur éclat. Les habitants en ont bouché les ouvertures ; des halls d’entrée ont été convertis en parkings ; sa propre maison a été temporairement transformée en bureaux administratifs.
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