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La loi contre les fake news est prête

La «loi de fiabilité et de confiance de l’information» va être présentée dans les jours qui viennent par le groupe de la majorité parlementaire. Elle réglemente les plateformes numériques et les médias sous influence d'un Etat étranger.
par Jérôme Lefilliâtre
publié le 12 février 2018 à 19h11

Sur la lutte contre les «fake news», le gouvernement n'a pas traîné. Annoncé par Emmanuel Macron début janvier, lors des vœux du président de la République à la presse, «le texte de loi est quasiment prêt», assure-t-on au ministère de la Culture. Car le cabinet de Françoise Nyssen, chargée de superviser le dossier, y travaille depuis le mois de septembre. Bien qu'émanant de l'exécutif, il sera présenté dans les prochains jours, sous la forme d'une proposition de loi, par le député de la majorité à qui il incombera de le porter. Il devrait porter le nom de «loi de fiabilité et de confiance de l'information».

Le texte créera une nouvelle législation. Il ne consistera pas en une simple modification de la grande loi de juillet 1881 qui encadre le droit de la presse et qui reconnaît déjà le délit de «fausse nouvelle». «Notre sujet n'est pas de définir ce qu'est une fausse nouvelle. Le vrai sujet est l'univers, les tuyaux, les canaux de diffusion des fausses nouvelles aujourd'hui», explique-t-on au ministère de la Culture. Deux «vecteurs» sont ciblés : «le numérique au sens large», notamment les réseaux sociaux (Facebook) et les sites de partage de vidéo (Youtube), ainsi que «les médias sous influence d'un Etat étranger». Une formule qui vise par exemple les médias financés par la Russie (comme RT ou Sputnik).

Campagnes

Le ministère de la Culture dit avoir étudié les dispositifs existant en Allemagne et au Royaume-Uni et leurs limites. Il explique être parti de cas concrets de fake news détectées lors des dernières élections américaines, de la campagne du Brexit ou du référendum en Catalogne. La proposition de loi française s'appliquera lors des périodes de campagnes des élections nationales, au maximum cinq semaines avant le scrutin. Elle contiendra trois grandes dispositions. La première, dans le champ de l'audiovisuel, permettra au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) de «suspendre», voire de «révoquer» la convention d'un média sous influence d'un Etat étranger dont l'autorité indépendante jugerait qu'il propage une fausse nouvelle. Or sans convention avec le CSA, il est interdit pour un média audiovisuel d'émettre.

La deuxième disposition concernera les plateformes numériques. Lors des périodes tombant sous le coup de la loi, les Facebook, Twitter et autres Youtube seront dans l'obligation de publier par qui et pour quel montant les «contenus d'information» dits «sponsorisés» l'ont été. Cette pratique relevant de la publicité permet à l'auteur d'un contenu de le rendre plus visible, moyennant une transaction financière avec les plateformes numériques. Il s'agit par exemple de le faire remonter dans le fil d'actualités des utilisateurs de Facebook ou de le mettre en bonne place sur la page d'accueil de Youtube.

«Chiffon rouge»

«Le fait de publier le montant de la transaction peut être utile aux médias qui font du fact-checking [vérification des faits, ndlr], souligne-t-on rue de Valois. S'ils voient un contenu sponsorisé pour un million d'euros, ils s'y intéresseront plus qu'à celui sponsorisé pour 50 euros.» Encore faut-il que les plateformes jouent le jeu. A cet égard, le gouvernement se montre optimiste. «Les hébergeurs comprennent l'enjeu», assure-t-on au ministère de la Culture. La loi leur imposera en outre un «devoir de coopération» en la matière.

Enfin, la troisième disposition vise à armer le droit d'un outil législatif permettant d'agir rapidement contre la désinformation. Elle donnera aux citoyens la possibilité de saisir un juge des référés «pour faire cesser la diffusion massive et artificielle d'une fausse nouvelle», explique le cabinet de Françoise Nyssen, où l'on a conscience d'être là en présence d'un «chiffon rouge». Car c'est à ce juge qu'il reviendra de qualifier qu'une nouvelle est fausse. Une lourde responsabilité pour l'autorité judiciaire, qui promet de nourrir les débats parlementaires.

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