Duel politique

Le Québec a-t-il besoin d’un parti fédéral qui se concentre uniquement sur la défense des intérêts québécois ?

S'ouvrir aux autres plutôt que s'isoler

Historiquement, le Bloc québécois nous a donné une voix importante à Ottawa, mais il est devenu un obstacle au développement du Québec parce qu’il n’a pas su s’adapter à un Québec et un Canada en évolution. 

Plus que jamais, les intérêts du Québec passent par une meilleure collaboration avec le reste du pays. Présentement, le Bloc, ou tout futur parti fédéral qui n’aurait à cœur que les intérêts du Québec, favorise notre isolement !

La vision politique de vouloir défendre exclusivement les intérêts du Québec à Ottawa s’ancre dans les déceptions des échecs de Meech et de Charlottetown. Bien que compréhensible dans ce contexte, cette position s’est surtout concrétisée, depuis, dans un rôle d’opposition qui découle d’une croyance profonde et invariable que les intérêts du Québec forment un bloc homogène opposé à ceux d’un Canada tout aussi homogène.

Or, ce mythe des deux solitudes, qui n’était déjà pas fondé il y a 25 ans, ne définit plus le Canada d’aujourd’hui. En effet, le Québec, comme le Canada, a changé.

Notre conception du Québec et du Canada doit être plus inclusive, car ce ne sont pas deux blocs homogènes. Si, aujourd’hui, la réconciliation est sur toutes les lèvres, rappelons-nous que ce mythe des deux peuples fondateurs exclut les communautés autochtones, qu’ils soient métis, Inuits ou Premières Nations. Or, nombreux sont ceux qui aspirent, tout comme les Québécois, à voir leurs cultures et leurs nations reconnues. Il en va de même pour les peuples acadiens, les Franco-Ontariens, et les Franco-Manitobains, pour n’en nommer que quelques-uns, qui cherchent à préserver leur existence. Le Canada est un tout beaucoup plus diversifié que nous l’imaginons souvent.

Ainsi, définir les intérêts du Québec en opposition à ceux du reste du Canada ne tient plus la route. En fait, cela nous isole de communautés avec lesquelles nous partageons souvent des intérêts communs.

La lutte contre le réchauffement climatique est un second exemple des limites de la logique d’opposition du Bloc. Le supposé choc entre notre volonté de préserver l’environnement et un Canada dopé aux sables bitumineux ne résiste pas à l’épreuve des faits. Le Canada est loin d’agir d’une seule voix, comme en témoigne le conflit entre la Colombie-Britannique et l’Alberta sur le pipeline Trans Mountain. Et Québec est loin d’avoir le monopole de la vertu, alors qu’il approuve et finance la cimenterie de Port-Daniel, le projet le plus polluant de l’histoire du Québec.

Nous pourrions continuer cette analyse sur une multitude d’autres enjeux comme l’équité sociale au pays via la péréquation ou le commerce entre provinces. Ultimement, le souhait de chaque société est de voir ses intérêts se réaliser, mais pour y arriver il ne suffit plus de s’opposer et de demander.

Dans notre monde plus connecté que jamais, ce sont les alliances et les solidarités qui font bouger les gouvernements. En ne pensant qu’à nos intérêts, sans nous soucier de ceux des autres communautés du pays, nous prenons le risque de demeurer exclus des grands débats. Un risque qui nous apparaît contraire aux intérêts du Québec.

Les Communes est un organisme voué à la promotion du dialogue entre les peuples et nations qui forment le Canada pour une reconnaissance mutuelle des aspirations collectives, de la diversité et des libertés fondamentales afin d’établir les solidarités nécessaires à un renouveau politique au pays.

Duel politique

Le Québec a besoin d’une voix à Ottawa

Au-delà des débats actuels au Bloc québécois, il faut se rappeler une chose essentielle : les Québécois ont tout avantage à être représentés en leur propre nom à la Chambre des communes et pour cela, ils ont tout intérêt à disposer d’un véhicule politique exclusivement voué à leurs intérêts collectifs. 

Cette formation politique peut emprunter différentes stratégies, selon les circonstances historiques, tout en demeurant accrochée à un principe essentiel : c’est le Québec qu’elle sert, et ce dernier a pour vocation, un jour, de devenir un pays indépendant.

Tout cela pour une raison simple :  les Québécois ne sont pas des Canadiens parmi d’autres, mais une nation à part entière, même si le régime canadien s’obstine à ne pas le reconnaître. Lorsque les nationalistes sont présents à Ottawa, et parlent en leur propre nom, ils peuvent faire valoir les intérêts du Québec sans les diluer, au nom de compromis boiteux, dans une vision pancanadienne artificielle. Dans les moments essentiels, le parti nationaliste québécois aux Communes peut aussi faire entendre la voie de l’Assemblée nationale. Il suffit d’ailleurs de s’intéresser à d’autres situations dans le monde comparables à celle du Québec dans le Canada pour voir que les peuples préfèrent généralement une représentation qui leur est propre.

On connaît l’argument inverse :  c’est dans la mesure où ils seront bien intégrés dans les partis fédéraux que les Québécois seront capables de se faire entendre au sein des institutions fédérales. 

Tant qu’à demeurer dans la fédération, aussi bien s’y intégrer de manière maximale. En s’isolant dans un parti seulement implanté au Québec, ils se retireraient des cercles de pouvoir. Mais l’histoire a prouvé que cette thèse était fausse. Il suffit de se rappeler que malgré une députation massivement québécoise, Pierre Elliott Trudeau n’a pas hésité, en 1981-1982, à rapatrier la Constitution canadienne sans l’accord de l’Assemblée nationale. Il refondait ainsi la fédération par la négation des droits nationaux du Québec.

Le contexte historique actuel laisse croire aussi à la nécessité d’une représentation autonome du Québec à Ottawa. Le Canada, au fil des dernières décennies, s’est décentré de son cœur historique, et a déplacé son centre de gravité politique et économique vers l’Ouest. Le Québec pèse de moins en moins dans l’ensemble fédéral. Il est désormais possible pour les partis fédéraux de gagner une élection sans disposer d’une solide délégation provenant de la Belle Province. Ce faisant, même s’ils démontrent une réelle bonne foi envers cette dernière, ce qui n’est pas impossible, mais qui n’est pas la norme, les partis canadiens ont factuellement de moins en moins besoin de se soucier des préoccupations des Québécois.

L’histoire politique du Canada, de ce point de vue, est donc celle d’une perte de pouvoir et d’influence progressive, mais irréversible du Québec dans la fédération. Par conséquent, plutôt que de noyer sa voix dans des partis pancanadiens globalement indifférents sinon hostiles à la différence québécoise, il peut s’avérer raisonnable et avantageux pour les Québécois d’intégrer leur vie politique provinciale et fédérale au sein d’une même dynamique nationale. Cela pour leur permettre de se faire entendre, de faire valoir des intérêts qui leur sont propres.

Le MNQ est un mouvement issu de la société civile, indépendant des partis politiques, fédérant des Sociétés membres partout au Québec et qui a pour mission de défendre et promouvoir l’identité québécoise, prioritairement sa langue, son histoire, sa culture et son patrimoine, et de faire du Québec un pays français et démocratique.

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