Rudolf Sarközi – que cette homonymie imparfaite avec un ancien chef de l’Etat français intriguait beaucoup – manipulait inlassablement ses lunettes carrées et sa généreuse moustache dans les cérémonies officielles, où il se faisait une fierté de représenter dans la dignité la grande famille des Roms.
Mort d’une longue maladie le 12 mars, à l’âge de 71 ans, il était marié, père d’un fils et deux fois grand-père. Il reste l’un des trop rares chefs respectés de la plus grande minorité d’Europe. Dans le but de revendiquer des droits, Rudolf Sarközi, apprécié des citoyens autrichiens, a réussi à fédérer pendant des années une communauté disparate d’environ 40 000 personnes, ce qui fait de lui un exemple à l’échelle continentale.
C’est dans un camp de concentration nazi de la région orientale du Burgenland qu’il voit le jour, le 11 novembre 1944. Après guerre, il ne peut comme « tsigane » – un terme péjoratif en langue allemande – obtenir une place d’apprenti. Très jeune, il travaille donc comme aide électricien, avant de partir à Vienne en 1964 et d’être embauché au service technique de la municipalité au début des années 1980.
Il fonde la première association culturelle rom en Autriche en 1991. Deux ans plus tard, il obtient que sa communauté soit protégée par la Constitution, au même titre que les autres minorités autochtones – slovène, tchèque, slovaque, croate et hongroise – issues de l’empire des Habsbourg et qui l’étaient depuis le démembrement de la couronne.
Dès 1999, des subventions permettent à la langue romani d’être enseignée aux côtés de l’allemand dans des établissements bilingues. La culture musicale rom s’épanouit dans des festivals et la télévision publique permet régulièrement de découvrir toute la richesse d’un peuple présent en Autriche depuis le XVe siècle.
Afin de toujours mieux faire entendre la voix des Roms, il s’engage ensuite progressivement dans le syndicalisme et en politique, au sein du Parti social-démocrate. Il deviendra le premier élu rom du pays, en intégrant le conseil d’arrondissement de son quartier en 2001, délaissant son emploi, avant de prendre sa retraite en 2005.
« Bâtisseur de ponts »
Mais Rudolf Sarközi ne se préoccupait pas que des siens. Il entretenait aussi d’excellentes relations avec ses homologues de la communauté juive, auxquels il a toujours tendu la main et qui voyaient en lui un infatigable défenseur de la mémoire de toutes les victimes d’Hitler. Neuf mille Roms, sur les 12 000 recensés avant la guerre, ont été exterminés en Autriche.
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