Montreuil pleure la réalisatrice Solveig Anspach

Montreuil pleure la réalisatrice Solveig Anspach

    Inoubliable. La réalisatrice Solveig Anspach, décédée à 54 ans vendredi dernier dans la Drôme d'une récidive d'un cancer laisse le souvenir d'une femme exceptionnelle, enjouée et généreuse dans sa ville, à Montreuil. « Solveig était un rayon de soleil dans ma vie », lâche dans un sanglot étouffé Blandine Lenoir, une de ses amies, elle-même réalisatrice et voisine à Montreuil. « Elle se revendiquait de notre village », se souvient la réalisatrice de « Zouzou ». Son village c'est le quartier des Coutures, c'est là qu'elle avait même planté le décor de son film « Queen of Montreuil », sorti en 2013 (lire ci-contre). Un village où même la pharmacie avait fait la promotion de « Lulu femme nue » en mettant une affiche dans sa vitrine. « Je l'ai connue dans Hauts les cÅ?urs ! où j'ai joué un petit rôle. Et on ne s'est plus jamais quittées. Pour mon travail, elle était une marraine bienveillante », raconte cette jeune femme, qui s'est rendue ce lundi dans la maison familiale de Solveig dans la Drôme où une cérémonie doit avoir lieu.Celle qui avait précisément si magnifiquement mis en scène son combat contre la maladie dans « Hauts les cÅ?urs ! » a, en effet, choisi de partir dans la maison de sa belle-mère dans le sud où elle se sentait bien. « Ma grand-mère la considère comme sa presque fille », confie Clara Anspach, sa fille (lire ci-dessous). Dans la Drôme, tous ses amis et ses proches sont présents. Parmi eux, un autre de ses voisins montreuillois, François. Ce musicien partage souvent le jardin de l'artiste. « Elle m'a donné un rôle dans Queen of Montreuil (lire ci-contre). Mais Solveig avait plusieurs cordes à son arc. On s'était en fait connus avant, alors qu'elle jouait de la grosse caisse », se souvient-il en larmes. Pour ce chanteur et guitariste, « Solveig c'est le courage, l'ouverture d'esprit et l'énergie ».L'artiste, qui vivait à Montreuil depuis 20 ans, était également une fidèle du cinéma municipal le Méliès. Un hommage est d'ores et déjà prévu au cinéma de Montreuil le 8 octobre. D'autres initiatives seront peut-être prévues d'ici là dans la ville ou dans son quartier. « Je la connaissais comme réalisatrice mais également comme spectatrice », raconte Stéphane Goudet. Ce que le directeur retient de sa personnalité ? « Sa politesse magnifique : ne pas se plaindre et faire comme si elle allait gagner contre la maladie. Sa combativité par le sourire avait fini par convaincre. Du coup, sa mort est d'autant plus violente », conclut-il.« Elle s'est battue jusqu'au bout » Elle a 19 ans. Clara est la fille unique de Solveig Anspach. A l'image de sa maman, la jeune femme étudiante en prépa littéraire donne le change face à l'émotion qui la bouleverse. « Maman s'est battue jusqu'au bout et il y a quatre jours, elle a lâché prise et demandé à quitter l'hôpital pour aller dans la maison de la Drôme », raconte-t-elle. Un premier cancer s'est déclaré alors que Solveig attendait Clara. « Maman n'a eu ensuite de cesse de lutter contre les récidives », poursuit-elle.Ce vendredi, sa mère a eu le temps de prendre son petit-déjeuner. Elle s'est ensuite endormie pour ne plus se réveiller. « Je crois qu'elle n'a pas souffert. Moi, j'étais sur le trajet avec papa à lui demander de nous attendre encore un peu », lâche-t-elle dans un lourd sanglot. Puis elle se reprend. « Je crois que je lui ressemble beaucoup. Ce que l'on n'aime pas avec maman ce sont les gens qui ressassent leurs tracas », ajoute celle qui se revendique également « de Montreuil » où elle a grandi.Dans la maison dans la Drôme, la famille voulait un moment intimiste. « Nous nous retrouvons à près de 80. Nous pleurons beaucoup mais nous rions aussi pour maman », raconte Clara.

    Le film Queen of Montreuil, sorti en mars 2013, avait été tourné dans son quartier. Elle a dédié une trilogie à sa ville Il y a évidemment «Queen of Montreuil», le long métrage de Solveig Anspach réalisé sur son quartier de Montreuil, qui jouxte Bagnolet, appeléLes Coutures. Mais la réalisatrice boulimique de créativité a réalisé deux autres films pour chanter ce lieu populaire où elle vivait depuis 20 ans. En 2007, la trilogie sur son trajet d'Islande à la France avait démarré avec «Back Soon». En 2016, le film sur lequel elle planchait «L'effet aquatique» est attendu sur les grands écrans. La boucle sera ainsi bouclée. «On oublie l'humour particulier qu'elle a inventé. Dans Back Soon, on est dans un burlesque jamais vu. C'est ce talent-là aussi que nous perdons», estime Stéphane Goudet. Pour le directeur du cinéma Méliès de Montreuil, la réalisatrice engagée, auteure d'un documentaire sur «Louise Michel» ou encore contre la peine de mort «Made in USA» est tout sauf mièvre dans ses partis pris. «Elle tellement sincère qu'elle en devient bouleversante», analyse-t-il. Un voisin et ami revient sur son installation à Montreuil. «Solveig est arrivée-là quand le quartier n'était pas à la mode bobo. Elle était entourée de baraquements. Son énergie a tiré les lieux vers le haut. On ne peut pas la taxer de vision idylique du monde. Elle est dans la vie comme dans ses films, sans préjugé, ouverte à tous, détestant les conflits », conclut François, auprès d'elle dans la Drôme.