Mort du metteur en scène Bruno Bayen

Complice d'Antoine Vitez, traducteur de Peter Handke, il avait fondé sa compagnie la Fabrique de théâtre en 1975. Passionné par les auteurs de langue allemande (Wedekind, Büchner, Fassbinder, Goethe, Brecht), il se consacrait ces dernières années à l'écriture de romans.

Par Emmanuelle Bouchez

Publié le 06 décembre 2016 à 18h37

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 03h22

Bruno Bayen, s'en est allé de manière aussi discrète que brutale. A 66 ans, il laisse derrière lui une œuvre à la fois littéraire et théâtrale, appréciée des lecteurs et spectateurs en quête d'aventures exigeantes et originales. Il fut l'un des derniers complices du metteur en scène Antoine Vitez. Il fut aussi le traducteur de Peter Handke... dont il projetait de mettre en scène Voyage au pays sonore ou l'art de la question, au Vieux-Colombier, en 2007, avant que l'administrateur général de la Comédie-Française alors en poste, Marcel Bozonnet, ne déprogramme la pièce au prétexte que l'écrivain autrichien, proserbe, venait d'assister aux obsèques du tyran Slobodan Milosevic. De quoi jeter un froid glacial parmi les intellectuels ; l'écrivain autrichienne Elfriede Jelinek avait alors crié à la censure.

Pareille affaire cadrait peu avec le tempérament de cet érudit à l'élocution élégante et posé, à l'air ironique et nonchalant mais aux mots réfléchis. Son travail de metteur en scène accordait beaucoup de soin au chant du verbe : que l'on songe, par exemple, à la comédienne Emmanelle Lafon, dans les chroniques de la brésilienne Clarice Lispector qu'il avait adaptées en 2012 pour le Festival d'Automne à Paris, au Théâtre de La Bastille...

Né à Paris en 1950 dans une famille d'intellectuels, Bruno Bayen a vécu une adolescence strasbourgeoise avant de revenir dans la capitale comme normalien, à la rue d'Ulm. Spécialiste de Brecht, c'est dans la foulée de 1968 qu'il découvre la scène en adaptant avec des extraits de Karl Valentin L'intervention de Victor Hugo (Le Pied, en 1972). Il fonde alors sa compagnie La Fabrique de théâtre avant d'être nommé par Michel Guy en 1975 au Centre dramatique national de Toulouse (même promo que Jean-Pierre Vincent, Georges Lavaudant ou Gildas Bourdet). Une expérience de direction qu'il ne renouvellera pas, menant alors son travail en compagnie, montant les auteurs de langue allemande (Wedekind, Büchner, Fassbinder, Goethe, Brecht, ou le jeune Lukas Bärfuss qu'il découvre en 2005) comme ses propres pièces, narguant ouvertement le contemporain, via l'évocation de Schliemann, le découvreur de Troie, en 1982, le destin d'un restaurant de l'ex-RDA après la chute du Mur dans Weimarland en 1992 ou l'adaptation des Provinciales de Blaise Pascal sur la querelle des Jansénistes et des Jésuites, en 1650 (Théâtre National de Chaillot, 2007).

Autant de chemins de traverse que Bruno Bayen empruntait au théâtre (art de la « trace » et de la fugacité qu'il qualifiait comme « sa voix haute ») ou en littérature (« sa voix basse »...) à laquelle il semblait davantage se consacrer ces dernières années. Il avait livré dans son dernier livre paru en 2011 aux éditions Christian Bourgois, Fugue et rendez-vous, les chroniques autobiographiques d'un garçon de dix ans, en 1961, au moment même où celui-ci prend conscience du monde autour de lui. Un autre livre posthume, élève, chez le même éditeur, est à paraître en janvier...

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