Pendant cinq ans, Émilie König a vécu dans les rangs de l'État islamique, dévoilant régulièrement des photos d'elle, armée et entièrement voilée. Selon les informations de RMC, cette Française de 33 ans, considérée comme la principale recruteuse de Daech, aurait été arrêtée en Syrie par les forces kurdes.

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Sa mère, contactée ce mardi par Ouest-France, assure que la trentenaire, jointe par téléphone la semaine passée, est actuellement détenue dans un camp de réfugiés, avec les trois enfants qu'elle a eu en 2015 et 2016. Elle serait interrogée par les services secrets américains et clame avoir été "torturée".

Une adolescente "joyeuse, heureuse de vivre"

Émilie König se serait volontairement rendue à des soldats français, dans une démarche de repentir, indique aussi sa mère, qui a contacté le ministère des Affaires étrangères dans l'espoir de la faire revenir avec ses enfants. "Elle regrettait tous ses propos et assurait vouloir payer sa dette en France", explique-t-elle au quotidien.

La contrition supposée de cette jeune femme -radicalisée depuis presque 10 ans- laisse perplexe, tant elle est ancrée dans son parcours. Émilie König, née à Lorient, dans le Morbihan, en décembre 1984, s'est convertie à l'islam dans les années 2000, au contact de son premier mari. Abandonnée par son père gendarme lorsqu'elle était jeune, cette benjamine d'une fratrie de quatre est diplômée d'un CAP de vendeuse par alternance.

Interrogés par Ouest-France, ses anciens collègues d'un magasin de vêtements de Lorient se souviennent d'une adolescente "joyeuse, heureuse de vivre", d'une "gentille fille, coquette". Un portrait bien éloigné de son rôle, quelques années plus tard, de figure de proue de la propagande de Daech.

Proche du groupe islamiste Forsane Alizza

Selon le quotidien régional, le premier mari d'Émilie König, d'origine algérienne, déjà emprisonné pour des délits liés au trafic de stupéfiants, la frappait. Elle-même se serait droguée à cette période. Le couple, a eu un enfant et s'est installé à Paris, avant de divorcer. Elle retourne alors à Lorient. Dans une interview donnée à une sociologue en 2012, la jeune maman traite son ancien mari de "musulman complexé", qui "pratique à la carte". Elle, se radicalise, commence à porter le niqab et à apprendre l'arabe.

Au début des années 2010, Émilie König, qui a eu un deuxième enfant en 2007, demande à se faire appeler Samra et se rapproche du groupe islamiste Forsane Alizza, basé à Nantes, dont le leader, Mohamed Achamlane, est condamné à 9 ans de prison en 2015 pour "association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste". Elle soutient ses membres, en participant notamment à des manifestations à Paris contre l'interdiction du port du voile intégral.

"Des convictions religieuses enragées"

Dans le même temps, Émilie König se voit interdire l'accès à la mosquée qu'elle fréquentait à Lorient, après avoir distribué des tracts appelant au djihad. Ce qui n'empêche pas la jeune femme de continuer sa propagande: très connectée sur les réseaux sociaux, elle crée des pages appelant à la guerre sainte sur Facebook.

Au printemps 2012, elle s'illustre une nouvelle fois par ses provocations, après une altercation avec un vigile, dans le tribunal de Lorient. Venue en niqab, elle refuse de l'enlever, filme la scène et la poste sur Internet.

La mère de famille déménage en 2011 à Boulogne-Billancourt, pour offrir à ses enfants une "meilleure qualité de vie", indique-t-elle à la sociologue qui l'interviewe l'année suivante. Un jour elle se promène en jean, l'autre en niqab, comme le relate l'une de ses anciennes amie, interrogée par Paris Match. Elle la décrit comme "une provocatrice, manipulatrice. Une meneuse robuste, avec une forte poigne et des convictions religieuses enragées".

"Les lois divines ne sont pas monstrueuses, elles veulent le bien de l'humanité"

En 2012, Émilie König est filmée pour un documentaire sur le port du voile intégral. Ses propos trahissent sa radicalisation. "Je ne vote pas parce que les politiques sont contre nous, femmes musulmanes, nous musulmans, contre les lois divines. Mais les lois divines ne sont pas monstrueuses, elles veulent le bien de l'humanité", explique-t-elle face caméra. La mère de famille dit également vouloir quitter la France, pour faire "sa hijra" [rejoindre une terre musulmane], ne sachant pas si elle préfère s'installer au Royaume-Uni ou au Yémen.

Ce sera finalement la Syrie, qu'Émilie König rejoint quelques mois plus tard, en abandonnant ses deux enfants. Son mari, rencontré sur Internet, l'y attend, sur ces terres qui accueilleront quelques mois plus tard le groupe terroriste État islamique. Tous les deux font partie des premiers Français à franchir la frontière turque pour assouvir leurs velléités djihadistes. Mais lui est rapidement tué.

Sur la liste noire américaine du terrorisme

Sur place, la jeune femme prend un nom de combattante: Ummu Tawwab, pendant que sa mère récupère la garde de ses deux enfants, visés tous les deux par une interdiction de sortir du territoire national.

En Syrie, Émilie König endosse rapidement le rôle de recruteuse. Une enquête la visant est ouverte dans la région de Nîmes, où des dizaines de jeunes Français ont rejoint Daech. La trentenaire poste aussi régulièrement des vidéos de propagande. Dans certaines d'entre elles, elle apparaît entièrement voilée, s'entraînant au maniement des armes. En juin 2013, elle s'adresse à ses fils, face caméra. "N'oubliez pas que vous êtes musulmans (...) Le djihad ne cessera pas aussi longtemps qu'il y aura des ennemis à combattre".

En 2013, en dépit de sa fiche S, la trentenaire parvient à revenir à Lorient, pour tenter d'emmener ses enfants en Syrie. En vain. Elle repart seule et en septembre 2014, le nom d'Émilie König est ajouté à la liste des personnes associées à Al Qaïda en Irak, par les Nations-Unies. Ses avoirs et ses comptes sont gelés. Un an plus tard, elle rejoint aussi, avec deux autres Français, la liste noire américaine du terrorisme.

Des appels à commettre des attaques en France

Selon une source proche du dossier, interrogée par l'AFP en 2015, Émilie König aurait aussi proclamé sa volonté de commettre un attentat suicide. Mise sur écoute, elle a contacté plusieurs Français pour les inciter à commettre des attentats contre les institutions de l'Hexagone et pour qu'ils attaquent les femmes de soldats français déployés au Mali.

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Un responsable de la lutte anti-terroriste affirmait en 2015 qu'elle était devenue "une personnalité dans la communauté djihadiste". "Très active sur les réseaux sociaux", la jeune femme servait "à la propagande et au recrutement de volontaires", indique cette source à l'AFP.

La même année, elle accouche de son troisième enfant, sur les terres djihadistes. Deux fillettes, des jumelles, suivront en 2016. Aujourd'hui aux mains des forces kurdes, elle et ses trois enfants, dont le sort demeure incertain, se trouvent avec une dizaine d'autres Françaises et leurs enfants, également arrêtés au cours des dernières semaines.

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