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Le parolier Hubert Giraud, « père » de « Mamy Blue », est mort

Le compositeur et auteur de chansons s’est éteint à Montreux (Suisse) à l’âge de 95 ans.

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Publié le 18 janvier 2016 à 02h12, modifié le 19 janvier 2016 à 10h17

Temps de Lecture 3 min.

Pochette de l'album

Né en 1920 à Marseille, pointe d’accent comprise, le parolier et compositeur Hubert Giraud est mort, samedi 16 janvier, à Montreux (Suisse). Il aurait eu 96 ans, le 28 février. Jamais talent si élégant, n’aura été plus discret. La chanson très curieusement « soul » Mamy Blue (1971), taillée sur mesure pour Nicoletta et reprise par Ray Charles, Julio Iglesias, Céline Dion, Demis Roussos, le Golden Gate Quartet, Pauline Carton, Zaz, JoeyStarr, excusez du peu, c’est de lui, Hubert Giraud.

Pour Julien Duvivier, Sous le ciel de Paris (1951), faisant équipe avec Jean Dréjac, il invente une valse, Sous le ciel de Paris (1951). Dans le film, elle est chantée par Jean Bretonnière. Plus tard, elle sera reprise par Anny Gould, puis se baladera de voix en voix grâce à Jacqueline François, Juliette Gréco, Yves Montand, Jean Sablon, Edith Piaf.

Tailleur sur mesure

Qu’est-ce qu’une chanson désirée ? Hubert Giraud était un tailleur sur mesure dont on se disputait les modèles. Le Lagerfeld de ritournelles pour les rues. Son rôle de parolier-compositeur s’est effacé devant celui, un tantinet plus narcissique, d’auteur-compositeur. N’est pas Trenet, Brassens, Brel, Ferré, Charles Dumont, Gainsbourg, Nougaro, Aznavour, Barbara, Brigitte Fontaine, qui veut.

C’est dans le Quintette du Hot Club de France de Django Reinhardt qu’avait débuté Hubert Giraud en 1937, en tant qu’harmoniciste. Son père mort en 1925, le voici asthmatique. A titre de thérapie, un généraliste futé préconise la pratique de l’harmonica, instrument à vent qui exige que l’on souffle et inspire en mélodie comme en cadence.

Recruté par Ray Ventura, il se met à la guitare et, devant la pression vichyste et nazie, part avec l’orchestre pour Buenos Aires. Il s’y imprègne de rythmes latinos qu’il transcrit scrupuleusement et fignole. Six ans plus tard, il entre chez Jacques Hélian et fonde son trio, Do Ré Mi. Soudain, en 1950, il croise le succès avec Aimer comme je t’aime, chantée par une homonyme (ah ! mystères du signifiant…), Yvette Giraud. Et là, c’est la déferlante, marquée par un génie spécial. Chacune de ses chansons a sa propre personnalité : La Bouillabaisse pour Fernandel (1950), Mea Culpa pour Piaf (paroles de Michel Rivgauche, 1954), Dolorès pour Gloria Lasso (paroles de Raymond Bravard, 1955), Buenas Noches Mi Amor pour Dalida (paroles de Marc Fontenoy, 1957, reprise par Gloria Lasso). En 1958, cependant que Juan Catalano interprète Les Gitans dont s’empare Dalida (paroles de Pierre Cour), André Claveau remporte le Grand Prix de l’Eurovision avec Dors, mon amour (paroles de Pierre Delanoë).

Jacqueline Boyer, François Deguelt, Sacha Distel, Les Compagnons de la chanson, Colette Deréal, Bourvil (La Tendresse, paroles de Noël Roux, 1963, plus tard visitée par Marie Laforêt), Claude François (Pauvre petite fille riche), cinq mélodies pour le jeune Nougaro (1964), et les très grands tubes : Il est mort le soleil (paroles de Delanoë), pour Nicoletta, puis Ray Charles et Tom Jones, France Gall, Nana Mouskouri, Frida Boccara et en 1971, le succès stratosphérique, Mamy Blue.

Un créateur de l’air du temps

Enregistrée à Londres par Joël Daydé dans les mythiques studios Olympic (sacristie des Beatles et des Stone), la chanson est reprise par les très chevelus madrilènes, Los Pop-Tops, cornaqués par leur leader charismatique, Phil Trim (Trinidad, 1940). Entre deux arrangements soul ou baroque inspirés de Procol Harum et Jean-Sebastien Bach (on voit le genre…), le contrebassiste français Jean Bouchéty compose avec Trim, Oh Lord, Why Lord, avant de mettre la main à la pâte de Mamy Blue, de Hubert Giraud. Records de ventes, « top ten » planétaire, puis Nicoletta, Céline Dion, etc.

Hubert Giraud donne à Nicole Croisille ses plus belles chansons (dont Parlez-moi de lui), et Tellement j’ai d’amour pour toi à Céline Dion. Si l’on allait du côté des musiques de films, outre les contributions de Bouchéty à ceux de Pierre Etaix, on trouverait, dans les années 1950, Giraud au générique de succès populaires quelque peu oubliés (Georges Combret, Denys de La Patellière, etc.). Ainsi s’en va un de ces merveilleux souffleurs de l’air du temps, à la fois essentiel, oublié, et dont le métier s’est perdu, célébré néanmoins par toute sorte de prix et de distinctions, sous toutes les latitudes.

Nombre de chansons d’Hubert Giraud courent encore – pour combien de temps ? – dans les rues. Autant rappeler le nom de leur modeste auteur qui tenait compte, dixit Nicoletta, de « la tessiture, de la fougue et de la jeunesse » de chacune de ses interprètes, par pur amour de l’art simple.

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