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Mort du pianiste Aloys Kontarsky

Associé à l’avant-garde de Darmstadt, il fut un interprète privilégié de Stockhausen ou de Boulez.

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Publié le 26 août 2017 à 11h07, modifié le 28 août 2017 à 08h40

Temps de Lecture 67 min.

On a appris, jeudi 24 août, la mort, à 86 ans, d’Aloys Kontarsky, pianiste allemand peu connu du grand public mais déjà entré dans l’histoire pour avoir donné en première audition quelques fleurons du répertoire apparu après la seconde guerre mondiale. Si le nom de Kontarsky est indissociable de la musique contemporaine, le prénom d’Aloys l’est presque tout autant de celui d’Alfons, son cadet d’un an, également pianiste.

Sortes de Gilbert & George de la création musicale, ces deux artistes ont été à l’affiche de maintes manifestations d’avant-garde. En duo familial et non en couple – comme les plasticiens anglais – et avec un statut d’interprètes souvent associés à la gestation d’une œuvre. Pianistes mais pas seulement, Aloys Kontarsky et son frère Alfons (1932-2010) pouvaient se retrouver au tam-tam ou à l’orgue Hammond pour les besoins d’une partition au dispositif instrumental insolite (Mikrophonie I et II, de Karlheinz Stockhausen). Compagnon de route des compositeurs qui, dans les années 1950 et 1960, ont donné le ton de la modernité lors des célèbres Cours d’été de Darmstadt (Allemagne), Aloys Kontarsky fut l’interprète privilégié des Stockhausen, Boulez, Berio et consorts.

Duo enseignant

Né le 14 mai 1931 à Iserlohn (Allemagne), Aloys Kontarsky se forme principalement à Cologne avec Else Schmitz-Gohr (nièce du grand chef d’orchestre Arthur Nikisch) puis à Hambourg, avec le pianiste germano-balte Eduard Erdmann. En 1949, il donne son premier concert avec son frère en jouant le Concerto pour deux pianos d’Igor Stravinsky. En 1955, le duo Kontarsky est officiellement lancé après avoir remporté le premier prix d’un concours international organisé par une radio allemande. A partir de 1962, les deux frères sont régulièrement invités à enseigner dans le cadre des Cours d’été de Darmstadt. En 1965, Aloys s’associe au violoncelliste Siegfried Palm, comme lui dédicataire de nombreuses partitions. En 1972, à Cologne, les deux musiciens assurent la création d’un futur « hit » de Mauricio Kagel, Unguis incarnatus est, qui vaut au pianiste de jouer avec insistance de la pédale droite comme s’il avait un « ongle incarné ».

L’activité des frères Kontarsky fut largement relayée par le disque, principalement sous le label Deutsche Grammophon (DG). Si l’on y relève quelques contributions au répertoire romantique (Brahms, Schubert) et à celui du début du XXe siècle (Bartok, Stravinsky, Ravel, Debussy), la musique dite contemporaine s’y taille la part du lion. Principalement avec Stockhausen qu’Aloys Kontarsky interprète en duo (Mantra), en solo (la série des Klavierstücke, qu’il fut le premier à donner intégralement en concert, en 1966, à Darmstadt) ou au sein d’un ensemble (Momente).

Pochette (détail) de l’un des albums consacrés par les frères Alfons et Aloys Kontarsky à Brahms.

Epoque militante

Pierre Boulez (1925-2016), l’autre chef de file de la musique sérielle, a également trouvé chez les frères Kontarsky des interprètes de choix pour le premier livre de ses Structures. C’est d’ailleurs leur enregistrement qu’il a retenu pour figurer dans la monumentale édition de 13 CD publiée par DG en 2010. Toujours sous étiquette DG, un 33-tours de 1980 donne une bonne idée du territoire esthétique couvert par le duo, de Bernd Aloïs Zimmermann à György Ligeti. Luciano Berio, Bruno Maderna et Sylvano Bussotti – pour ne parler que des Italiens « défendus » par Aloys Kontarsky occasionnellement avec le flûtiste Severino Gazzelloni – complètent le panorama d’une époque militante.

Devenu hémiplégique à la suite d’un accident vasculaire cérébral, Aloys Kontarsky abandonne la carrière de concertiste en 1983 pour passer les trente-quatre dernières années de sa vie aux côtés de Gisela Saur, l’actrice qu’il a épousée en 1959. C’est elle qui reçut, en 2008, la distinction (Médaille du mérite) décernée à son mari par la ville de Cologne. Bernhard (né en 1937), le plus jeune des trois frères Kontarsky, s’est illustré, lui, comme chef d’orchestre. Notamment en dirigeant le premier enregistrement en CD (1991, Teldec) de Die Soldaten, le titanesque opéra de Zimmermann, et la première parisienne (1994) de l’œuvre. Des soldats engagés sur le front de la nouvelle musique, ainsi pourrait-on désigner la fratrie Kontarsky.

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