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Stanley Hoffmann est mort

Fondateur du Centre d’études européennes de Harvard, ce grand connaisseur de la France est mort, dimanche 13 septembre, à l’âge de 86 ans

Par  (Berlin, correspondant)

Publié le 16 septembre 2015 à 02h48, modifié le 16 septembre 2015 à 17h29

Temps de Lecture 3 min.

En 2002.

L’université américaine perd l’un de ses grands professeurs, et la France l’un de ses meilleurs connaisseurs. Fondateur du Centre d’études européennes de Harvard, auteur d’une vingtaine d’ouvrages et d’une multitude d’articles, Stanley Hoffmann est mort, dimanche 13 septembre, à Cambridge (Massachusetts). Il avait 86 ans.

La France, Stanley Hoffmann l’avait découverte au berceau. Né à Vienne, le 27 novembre 1928, ce fils d’une Autrichienne et d’un Américain n’a pas encore deux ans quand sa mère, tout juste séparée de son époux, décide d’émigrer à Nice. Il y restera jusqu’en 1936, date à laquelle sa mère, soucieuse de sa réussite scolaire, déménage à Paris et l’inscrit au lycée Pasteur de Neuilly-sur-Seine.

Ce séjour n’est toutefois qu’une parenthèse que la débâcle du printemps 1940 vient bientôt refermer. Comme près de dix millions de Français, la mère et le fils sont alors jetés sur les routes de l’exode – « l’expérience la plus traumatisante de ma vie », dira-t-il. De retour à Nice, ils y resteront jusqu’en 1944.

Pour le futur professeur, ces quatre années seront décisives. D’abord soumise à l’autorité de Vichy, puis à celle des Italiens qui l’occupent à partir de 1942, et enfin à celle des Allemands qui en prennent le contrôle un an plus tard, la ville est alors « un lieu idéal », comme il le dira, pour se sensibiliser aux à-coups de la géopolitique. « Nice fit de moi un politologue », aimait dire Stanley Hoffmann, qui résumait ainsi l’origine de sa vocation : « Ce n’est pas moi qui suis venu aux relations internationales, ce sont les relations internationales qui sont venues à moi. »

Pour le jeune homme, la formation théorique vient un peu plus tard. A Sciences Po, d’abord, d’où il sort major en 1948, quelques mois après avoir été naturalisé français ; à la faculté de droit, ensuite, où sa thèse, intitulée Organisations internationales et pouvoirs politiques des Etats, est publiée en 1954.

Disciple de Jean-Baptiste Duroselle et lecteur de Raymond Aron, deux spécialistes des relations internationales qu’il citait comme ses références, Stanley Hoffmann aurait pu faire carrière en France. Mais un stage au séminaire d’études américaines de Salzbourg (Autriche), à l’été 1950, puis un séjour à Harvard, en 1951-1952, au cours duquel il se lie d’amitié avec quelques condisciples prometteurs ayant pour noms Henry Kissinger, Zbigniew Brzezinski ou Samuel Huntington, lui donnent le goût des Etats-Unis, où vit sa famille paternelle.

Le pas est définitivement franchi en 1955. De retour à Harvard, Stanley Hoffmann choisit cette fois d’y rester. Il y enseignera jusqu’à sa retraite, partageant son temps entre ses cours, sa véritable passion, l’écriture, à laquelle il regrettera d’avoir consacré trop peu de temps, et l’animation du Centre d’études européennes, qu’il dirigera de 1969 à 1995.

Clairvoyance

Peut-être parce qu’il se sentait autant français qu’américain – il avait les deux passeports –, peut-être aussi parce qu’il refusa toujours d’aller à Washington jouer les conseillers du prince, à la différence de beaucoup de ses collègues, Stanley Hoffmann se montrera souvent critique vis-à-vis de la politique étrangère américaine, notamment quand celle-ci sera pilotée par Ronald Reagan ou George W. Bush. Là se trouve sans doute le fil rouge de son œuvre, guidée par le souci d’expliquer aux Américains que « l’Amérique n’est pas le monde entier », selon sa propre formule.

Auteur d’une étude pionnière sur le poujadisme (Le Mouvement Poujade, Armand Colin, 1956), admirateur du général de Gaulle, qui lui inspira un livre vigoureux coécrit avec son épouse (De Gaulle, artiste de la politique, Seuil, 1973), préfacier du maître livre de Robert O. Paxton La France de Vichy (Seuil, 1973), Stanley Hoffmann s’était aussi imposé comme l’un des meilleurs experts américains de la vie politique française, à laquelle il consacra nombre d’articles dont on peut rétrospectivement mesurer la clairvoyance.

A l’instar de celui-ci, intitulé « La France en colère » et paru dans la New York Review of Books à l’été 1997, dans lequel il pointait la lourde responsabilité pesant sur les socialistes français de retour au pouvoir. « Ils ne peuvent pas se permettre d’ajouter un échec à l’histoire déjà déprimante de la lutte contre le chômage, qu’ils sont tout à fait fondés à traiter comme leur première priorité. S’ils échouent, le mécontentement français bénéficiera au Front national qui, tenace, attend son heure. »

 

27 novembre 1928 Naissance à Vienne (Autriche)

1969-1995 Directeur du Centre d’études européennes de Harvard

13 septembre 2015 Mort à Cambridge (Massachusetts)

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