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Henri Cueco, peintre politique et écrivain, est mort

Passionné par la nature, fidèle de l’émission de France Culture « Des Papous dans la tête », l’artiste s’est éteint le 13 mars, à l’âge de 87 ans.

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Publié le 15 mars 2017 à 17h15, modifié le 15 mars 2017 à 17h15

Temps de Lecture 4 min.

Henri Cueco dans son atelier, le 17 septembre 2003, à Montmagny (Val-d’Oise).

Le peintre et écrivain Henri Cueco est décédé à Paris le 13 mars, à l’âge de 87 ans. Il était né le 19 octobre 1929, à Uzerche (Corrèze), et vivait en banlieue parisienne et en Corrèze.

Son père, Vicente Cueco, d’origine espagnole, lui donne sa première formation de peintre. Dès les années 1950, il développe des séries de paysages et de natures mortes qu’il montre à partir de 1952 au Salon de la jeune peinture. Mais ces débuts précoces retiennent moins l’attention aujourd’hui que ce qui suit : la prise de conscience de plus en plus vive du contexte politique, celui d’une société que l’on commence alors à dire « de consommation », dominée par le désir du confort, la prolifération des produits, l’empire du commerce et de la publicité. De celle-ci, il décrypte les codes et les introduit sur le papier et la toile : simplifications signalétiques, rythmes géométriques, couleurs plates et intenses qui agressent l’œil. Les motifs sont souvent pris dans la photographie de presse, puis agrandis et si l’on peut dire glacés par le dessin qui coupe et l’aplat qui crie. Rayures, pointillés et découpes achèvent de durcir l’image.

Cette peinture critique trouve logiquement sa place dans le courant de la figuration narrative qui se constitue à partir de 1964 à Paris et dont Hervé Télémaque et Erró sont les figures centrales. Les séries de cette période, entre 1965 et 1975, ont pour titres Salles de bains, Jeux d’adultes, Les Hommes rouges, puis Les Chiens – animal symbolique préféré de Cueco, chien de chasse ou de garde plutôt qu’animal d’aimable compagnie.

Frapper plutôt que séduire

La force dénonciatrice va de pair avec la recherche de l’évidence visuelle. Ce Cueco-là ne veut pas séduire, mais frapper. En 1970, il est l’un des membres fondateurs de la Coopérative des Malassis, avec Lucien Fleury (1928-2004), Gérard Tisserand (1934-2010), Michel Parré (1938-1998) et Jean-Claude Latil (1932-2007). En 1972, ils sont de ceux qui contestent l’Expo 72-72, où 72 artistes devaient, en mai 1972, offrir au public une rétrospective de douze ans d’art contemporain en France, selon la volonté du président de la République d’alors, Georges Pompidou. On doit aux Malassis, cette année-là, l’œuvre monumentale Le Grand Méchoui, satire de la vie politique. L’année précédente, ils avaient signé Qui tue ? ou l’affaire Gabrielle Russier. Viendront ensuite, en 1974-1975, les Onze variations sur Le Radeau de La Méduse ou la dérive de la société et, en 1977, Les affaires reprennent.

Cette année-là, Henri Cueco participe à la création du Syndicat national des artistes plasticiens (SNAP CGT). Enseignement et conférences sont une autre de ses armes : au sein de l’association Peuple et culture, dans les universités Paris-VIII et Paris-I et aux Beaux-Arts de Paris. Polémiste, il publie en 1988 avec le conservateur et critique d’art Pierre Gaudibert L’Arène de l’art (éditions Galilée), dans lequel ils moquent, non sans raison, l’académisation du minimalisme et du conceptualisme dans les institutions artistiques créées à partir de 1981.

150 « portraits » d’une pomme de terre

L’œuvre écrite de Cueco est en effet aussi développée que son œuvre plastique, les deux étant indissociables. On le vérifie en reprenant son Journal d’atelier (1988-1991) ou le journal d’une pomme de terre (Ensb-a, 1993), le rassurant Comment grossir sans se priver (Atelier Bordas, 1997), L’Inventaire des queues de cerises (Seuil, 2000) ou le Dialogue avec mon jardinier (Seuil, 2000). Ce dernier titre fait écho à une part moins engagée de l’œuvre, les études d’après la nature. Ce sont, de 1977 à 1987, Les Herbes/Paysages, puis, de 1987 à 1990, Sols d’Afrique. Ses 150 « portraits » d’une pomme de terre dessinés en 1993 relèvent encore de cette thématique, dans un registre moins grave.

En 1979, il est le fondateur de l’association Pays-Paysage en Limousin, à Uzerche, pour réunir et confronter les savoirs de tous ceux qui sont au contact de la nature, agriculteurs, scientifiques, simples habitants ou artistes. En 2001, La Petite Peinture (éd. Cercle d’art) reproduit sous forme de livre 155 œuvres tirées de ses carnets sur les motifs de la campagne de Corrèze. En 2005, son exposition « Brûlures des “saxiphrages” » à la galerie Louis Carré & Cie a pour sujet la canicule de 2003 et ses ravages.

Parallèlement, en 1994, tout en revenant régulièrement aux chiens et aux serpents, Cueco reprend pour les analyser, crayon en main, les œuvres de Nicolas Poussin et de Philippe de Champaigne : du premier L’Enlèvement des Sabines, du second de l’Ex-Voto, Le Christ mort couché sur son linceul et Le Cardinal de Richelieu. Ces Variations ont été présentées au Centre d’art contemporain de Meymac (Corrèze), en 1997. La Grande Odalisque et Le Bain turc d’Ingres ont été par la suite l’objet de ses examens.

Mais sans doute Cueco a-t-il dû la part la plus publique de sa notoriété à une autre de ses activités, sa longue participation à l’émission de France Culture « Des Papous dans la tête », dont il a été l’un des protagonistes à partir de sa création en 1984 et où son ironie avait toute liberté pour s’exprimer.

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