Il a transfiguré le vin blanc que nous buvons aujourd’hui. Œnologue, chercheur, consultant, professeur à la faculté de Bordeaux et vigneron tout à la fois, Denis Dubourdieu est mort mardi 26 juillet, à l’âge de 67 ans, d’une tumeur au cerveau. Qualifié de « consultant en vin légendaire » outre-Atlantique par le Wine Spectator, de « titan du terroir » par le Financial Times, il était d’abord mondialement surnommé « le pape du blanc » pour sa vision d’un vin pur et sans défaut, au terroir identifiable et au long potentiel de garde. Ses méthodes de vinification ont été appliquées dans le Bordelais avant de s’imposer dans le monde entier.
Fils d’une famille de vignerons installés à Bordeaux depuis 1794, Denis Dubourdieu avait démarré ses travaux de thèse par un sujet qui l’imposa dès lors comme grand spécialiste du Sauternais : la pourriture noble des raisins et ses arômes sur les vins liquoreux. Il a ensuite effectué ou supervisé des recherches œnologiques sur les causes du vieillissement prématuré des vins, l’origine de l’arôme de poivron vert dans les cabernets, les composés aromatiques du sauvignon. La revue anglaise Decanter, qui lui avait décerné au printemps le titre d’« homme de l’année », lui ainsi attribué plus de 200 publications majeures sur le vin et près de 7 000 citations dans diverses thèses et travaux de recherche.
Mais les compétences de Denis Dubourdieu dépassaient le savoir académique. Il mettait sans cesse en pratique le fruit de ses travaux. Dans les vignes de ses propriétés, Château Reynon, Cantegril, Haura, Clos Floridène et Doisy-Daëne, comme dans les vignobles qu’il conseillait. Parmi les plus prestigieux qui avaient fait appel à lui à Bordeaux, figurent Yquem, Cheval-Blanc et Château Margaux. Il a également suivi plus de 70 domaines de l’Alsace au Japon, en passant par Sancerre, la Bourgogne, l’Italie ou l’Afrique du Sud. S’il avait hissé aux sommets Doisy-Daëne, le domaine familial, et Reyon, appartenant à son épouse, son plus grand succès fut la création ex-nihilo du Clos Floridène, aujourd’hui reconnu comme référence de la précision aromatique.
« J’ai travaillé avec le meilleur »
Son caractère franc, entier, sensible et plein d’humour, son aptitude à vulgariser l’œnologie auront marqué les centaines d’étudiants qu’il a formés à l’université de Bordeaux, où il enseignait depuis 1987. Parmi eux, Axel Marchal, maître de conférences en œnologie : « C’était un homme inspirant. J’ai été très frappé par son élégance intellectuelle et culturelle, par sa capacité à retranscrire de façon limpide des phénomènes complexes. » Pour le jeune homme, l’apport de son mentor sur le vin est retentissant : « Sa démarche était de révéler le goût unique et délicieux d’un endroit, en supprimant tout ce qui pouvait banaliser un vin, en particulier ses défauts. En éliminant les fausses notes, il a rendu la musique audible. Aujourd’hui, les blancs ne sont plus vinifiés dans le monde comme ils l’étaient avant Denis. »
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