« Tous de gauche » ou « tous de droite », les journalistes ? La question est sans doute aussi ancienne que la profession, et il n’est pas rare que des politiques reprennent ce vieux cliché pour mieux défendre leurs positions.
C’est ce qu’a fait, mardi 6 février, le député et vice-président des Républicains, Guillaume Peltier, sur RMC, pour justifier son idée d’imposer des « quotas politiques » parmi les journalistes de l’audiovisuel public, c’est-à-dire un certain nombre de journalistes identifiés comme étant « de gauche ou de droite ». A l’appui de son raisonnement, M. Peltier évoque une « étude ». Problème : la méthodologie de celle-ci est douteuse et la conclusion du député n’est pas en phase avec l’étude qu’il cite.
Ce qu’il a dit :
« Vous savez, il y a eu cette étude au lendemain de l’élection de François Hollande qui démontrait que 96 % des journalistes avaient voté à gauche. »
Pourquoi c’est faux
Guillaume Peltier manque rarement une occasion de s’appuyer sur les clichés prisés d’une partie de son électorat, dont celui-ci : la presse serait, en France, constituée entièrement de « gauchistes ». Pour le prouver, il évoque une « étude » de 2012 qui en aurait fait le constat.
En fait « d’étude », le député fait référence à une « consultation » menée par l’institut Harris Interactive en 2012. « Consultation » plutôt que « sondage », car la méthodologie de cette enquête était des plus surprenantes et empêchait d’utiliser ce second terme.
Une étude à la méthodologie douteuse
Pour mener cette enquête, commandée par la revue Médias, alors dirigée par Robert Ménard (maire apparenté Front national de Béziers) et son épouse, Emmanuelle Duverger (à la tête du site d’extrême droite Boulevard Voltaire), l’institut Harris a en effet eu recours au réseau social Twitter. Deux membres de l’institut y ont partagé un questionnaire à destination des journalistes, auquel 105 membres de la profession ont répondu.
Nul besoin d’être un spécialiste en statistiques pour le savoir : 105 répondants ne constitue pas un panel suffisant pour un sondage, car les « marges d’erreur » (intervalles de confiance en l’espèce) sont bien trop importantes, de l’ordre de dix points.
En outre, un échantillon doit être représentatif pour être pertinent. Or ce n’est pas le cas ici : en 2012, les journalistes étaient loin d’être tous sur Twitter, qui concernait essentiellement les plus jeunes et ceux travaillant sur le Web ou dans la presse « parisienne ». Les journalistes de presse magazine, spécialisée ou régionale, de très loin plus nombreux au sein de la profession, étaient donc très probablement sous-représentés.
52 % de vote à gauche et pas 96 %
Mais même compte tenu des très nombreux biais de cette « consultation », Guillaume Peltier cite un chiffre totalement faux. Voici les résultats de cette étude :
En additionnant les voix « de gauche » (Arthaud, Poutou, Mélenchon, Hollande, Joly), on parvient à un total de 52 % et non 96 %. Sachant que 13 % « ne se prononcent pas ». On est donc bien loin du score dictatorial allégué par M. Peltier. D’ailleurs cette même « consultation » indique que 55 % – des 105 interrrogés toujours – ont voté Hollande au second tour, 19 % Sarkozy, 12 % abstention, blanc ou nul, et 15 % qui ne se prononcent pas.
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