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Amiante : une association veut que Québec reconnaisse les professions les plus exposées

Un travailleur manipule de l'amiante

Un travailleur manipule de l'amiante

Photo : iStock

Radio-Canada

L'Association des victimes de l'amiante du Québec (AVAQ) demande à la ministre du Travail du Québec de modifier la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles afin de spécifier les domaines d'emploi pour lesquels l'exposition à l'amiante est reconnue, comme en Ontario.

Un texte de Julie Dufresne d’Enquête

Plombiers, travailleurs de la construction, calorifugeurs : plusieurs professions sont statistiquement réputées pour avoir favorisé, surtout au cours des années 1960 à 2000, une exposition à l’amiante. Malgré tout, les travailleurs de ces secteurs d’emploi ne sont toujours pas systématiquement indemnisés. Et contrairement à ce qui se passe dans le système ontarien, c’est vrai même pour les cas de mésothéliome, qu’on surnomme le « cancer de l’amiante ».

L’AVAQ, une association dont l’objectif est de porter assistance aux victimes de l’amiante, a été relancée à la suite de la diffusion du reportage d’Enquête. Des victimes et leurs familles y racontent leur combat pour bénéficier de l’indemnité que leur a reconnue la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité au travail (CNESST).

Ces retraités et des experts y critiquent le processus d’indemnisation de la CNESST, presque systématiquement contesté par des employeurs publics au Québec, plus que nulle part ailleurs au pays. Surtout, ils y déplorent la lourdeur de la bataille juridique imposée aux retraités et aux travailleurs, souvent moins en moyens que les employeurs pour se défendre.

Dans une lettre qu’elle a fait parvenir à la ministre Dominique Vien cette semaine, l’AVAQ lui demande de modifier la loi pour faciliter le processus de réclamation pour le mésothéliome, en reconnaissant certaines de ces professions.

En Ontario, un travailleur qui souffre d’un mésothéliome et qui a été employé dans le secteur des mines, du broyage, de la fabrication, de l’assemblage, de la construction, de la réparation, de la modification, de l’entretien ou de la démolition qui produit des fibres d’amiante bénéficie d’une présomption irréfutable – donc incontestable – du lien de causalité entre la nature de l’emploi occupé et la maladie.

« Nous sommes d’avis qu’une telle politique devrait être adoptée au Québec. Cela permettrait d’éviter de longues et coûteuses batailles médico-légales », écrit l’AVAQ, qui demande aussi que cette politique stipule qu’aucun seuil d’exposition ne soit requis pour reconnaître un mésothéliome professionnel.

En d’autres termes, que même en cas d’exposition très faible à de la poussière d’amiante, un travailleur n’ait pas à prouver qu’il a été exposé à un niveau suffisamment élevé pour recevoir une indemnité. Parmi les cosignataires de la lettre et membres de l’association figurent le directeur de santé publique du CISSS de Gaspésie, le Dr Yv Bonier-Viger, et l’épidémiologiste Norman King.

Une formation aux médecins et aux juges du Tribunal du travail

L’AVAQ estime aussi qu’« au nom du principe de la cohérence décisionnelle », il est de la responsabilité du Tribunal du travail de mieux former les médecins assesseurs et les juges qui y oeuvrent.

Malgré un consensus international et un avis clair de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en 2014, selon lequel il n’existe aucun seuil d’exposition sécuritaire à l’amiante, « certains experts appelés à témoigner au tribunal affirment le contraire [et prétendent que] le chrysotile est moins nocif que les amphiboles et qu’il existe un degré tolérable d’exposition en deçà duquel le travailleur ne pourrait développer un mésothéliome ».

Or, cette affirmation est vertement critiquée par la grande majorité des scientifiques, et basée sur une étude financée par l’industrie automobile américaine, rappellent les auteurs de la lettre, une industrie où l’amiante est utilisé pour la fabrication de plaquettes de freins.

Le bureau de la ministre du Travail confirme avoir reçu la lettre et entend rencontrer l’AVAQ. Pour le président de l’Association, Gilles Mercier, dont le père est mort d’un mésothéliome, le temps presse.

Il y a urgence d’agir. Il faut que la ministre procède le plus rapidement possible : il y a des gens malades et qui meurent de l’amiante. Il y a des indemnités, mais il y a des barrières légales pour y accéder. Ce qui se passe n’est pas normal.

Une citation de Gilles Mercier, président de l'AVAQ

Améliorations au processus

Entre-temps, le bureau de la ministre indique que des « améliorations » ont déjà été apportées au processus de la CNESST, à la demande de la ministre, à la suite de la diffusion du reportage d’Enquête. Ces améliorations concernent :

  • les délais d'obtention des documents médicaux;
  • le soutien offert au travailleur pendant le processus d’admissibilité;
  • la qualité des avis médicaux;
  • la bonification de l’analyse, par la Commission, de la relation entre la maladie et l’activité professionnelle du travailleur.

Ces mesures feraient notamment en sorte que des rapports plus détaillés sur l’état de santé des travailleurs soient remis au Tribunal du travail, ce qui aiderait à évaluer leur dossier lorsqu’il est contesté.

Bien qu’il salue ces initiatives, l’épidémiologiste Norman King juge qu’il en faut plus. « Ça semble de bonnes intentions. Mais elles restent difficiles à comprendre. Et est-ce que ça a vraiment changé quelque chose? On n’est pas en mesure d’évaluer la portée. On a besoin de données objectives », estime-t-il.

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