Mort d'André S. Labarthe : "Je pense qu'il n'y a pas d'histoire du cinéma"

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Mort d'André S. Labarthe : "Je pense qu'il n'y a pas d'histoire du cinéma"

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André S. Labarthe en 2011, pour l'émission Hors-Champs.
André S. Labarthe en 2011, pour l'émission Hors-Champs.
© Radio France

Le réalisateur André S. Labarthe est mort ce lundi 5 mars à l'âge de 86 ans. Critique aux "Cahiers du cinéma", il était connu pour sa série de documentaires "Cinéastes de notre temps".

André S. Labarthe est mort ce lundi 5 mars a annoncé la Cinémathèque dans un communiqué.. Celui qui aimait filmer "pour affamer le spectateur" laisse derrière lui une véritable collection de portraits de réalisateurs et une oeuvre protéiforme. Né le 18 décembre 1931, André S. Labarthe débute sa carrière cinématographique au cours des années 50, après des études de philosophie. En 1956, André Bazin, séduit par son regard critique, lui propose de rejoindre la rédaction des Cahiers du cinéma. Ses prises de position sur le septième art, le cinéma émergent ou encore la Nouvelle Vague, influencent la revue : "Aux Cahiers du cinéma, nous étions quelques-uns à penser que le cinéma n’a justement rien d’un art, et que c’est précisément là qu’est sa force", assurait-il ainsi lors d'une interview.

En mai 2011, dans Hors-Champs, le critique de cinéma était venu se raconter au micro de Laure Adler : 

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Il y a une cloison qui a sauté entre la philosophie et la critique. Aux "Cahiers du cinéma", c'est ce qui m'a intéressé ; la pensée de Bazin faisait sauter ces verrous là aussi. Ensuite, tout ce qui est arrivé dans la pensée, en matière de sciences humaines, ce qu'on a découvert dans les années 50 et au début des années 60, a été reçu par les "Cahiers du Cinéma". C'est d'ailleurs autour de ça qu'il y a eu une scission. Mais c'est ça qui a fait aussi qu'à la longue, si au début j'aimais les films, maintenant je préfère le cinéma au film. La machine cinématographique elle-même m'intéresse beaucoup.

En 1964, André S. Labarthe passe à la réalisation avec Janine Bazin, en créant la collection Cinéastes de notre temps pour l'ORTF. Cette série, qui va perdurer jusqu'en 1970, propose notamment une galerie de portraits de 52 minutes, où il continue de développer sa vision critique du cinéma. De 1982 à 1987, il collabore à l'émission Cinéma, Cinémas sur Antenne 2.  La Société des gens de lettres lui décerne, en 1984, le Grand Prix de la télévision pour l'ensemble de son œuvre. 

Acteur dans 'A Bout de Souffle'

En parallèle de sa carrière de réalisateur, André S. Labarthe effectue de courtes apparitions dans quelques films, comme dans A Bout de Souffle, de Jean-Luc Godard, où il interprète un journaliste, ou encore dans L'Amour Fou, de Pierre Rivette, où il incarne cette fois un réalisateur.

En 1989, après vingt ans d'absence, André S. Labarthe avait poursuivi sa galerie de portraits de cinéastes, nommée cette fois Cinéma, de notre temps, sur Arte : il restaure alors d'anciens épisodes et en produit de nouveaux, toujours axés sur le cinéma contemporain. Ces deux collections représentent, pour les amoureux du septième art, une véritable mine d'or : les portraits réalisés par Labarthe permettent de découvrir Cassavetes se roulant par terre pour mimer les mouvements de sa caméra, Scorsese mangeant des pâtes chez ses parents, Tarkovski filmé par Chris Marker sur le tournage du Sacrifice ou encore un long dialogue entre Lang et Godard.

En avril 2011, le réalisateur était venu se confier au micro de La Grande Table, où il racontait la genèse de cette aventure : 

Dans les années 64-65 j'étais absolument inconscient de ce que signifiait la série que j'étais en train de promouvoir avec Jeanine Bazin. Je pensais qu'on était en train de fabriquer une histoire du cinéma comme on fabrique un puzzle, dans le désordre. On mettait des pièces, et quand on pouvait rencontrer Abel Gance, c'était une pièce importante. Et puis il y avait des pièces manquantes qu'on fabriquait quand même, c'était les cinéastes morts, comme Vigo. Et après j'ai complètement changé d'idée : je pense qu'il n'y a pas d'histoire du cinéma et qu'il ne peut pas y en avoir. Pour moi un film de 1914, Naissance d'une nation, est contemporain d'un film d'aujourd'hui.